Passage
Je me suis réveillé ce matin, mon sexe était à coté de moi ; il était tombé pendant la nuit.
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Cela devait faire longtemps qu’il pourrissait. Comme je m’en servais rarement je ne m’en étais pas vraiment aperçu.
Des démangeaisons mycosites auraient pu m’alarmer mais elles n’étaient pas les premières. Et de par la cyclicité de ce genre de choses j’avais plutôt tendance à les prendre fatalement, ou banalement.
Une femme est passée dans ma vie récemment -événement très rare-, mon sexe me faisait mal, elle ne pouvait pas me toucher. Alors que nous parlions, ensuite, allongés sur le lit, frustrés, essayant de combler le manque par l’humour, mon sexe s’est mis à me démanger de façon anormale, des sécrétions en coulaient, coulaient…
Pour elle, cette femme, plus que pour moi, je suis allé voir une gynécologue au dispensaire au bout de la rue, les consultations y sont gratuites.
Elle ne m’a pas touché. J’étais juste debout face à elle, essayant de lui montrer quelques rougeurs anormales.
Ne voyant rien, elle m’a prescrit un traitement (?) et tout devait partir en un mois.
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Je me suis à peu près bien soigné, prenant la plupart des médicaments. J’ai peut-être abandonné le dernier trop tôt…
Entre-temps, la femme est partie -je la comprends- et je n’ai pas pu vraiment savoir si tout était redevenu normal. Si j’avais pu lui faire l’amour, je me serais considéré guéri.
Au lieu de cela, mon sexe est là, ridicule comme jamais à coté de moi.
A la place, il me reste une plaie étrange, non douloureuse.
Je me fiche un peu de tout désormais. Et quelle serait l’utilité de montrer ça à un médecin: il ne ferait pas repousser mon sexe! Attendons de voir comment cela évolue.
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Je ne sais pas comment cela est arrivé. J’ai manqué de femmes tout d’abord. De sexe, de ces ivresses apaisantes, revivifiantes. D’amour. De tendresse aussi. Evidemment.
De ne pouvoir être vraiment gentil avec quelqu’un. Que quelqu’un soit là, témoin de ma vie, de mon existence, l’aime, s’y reconnaisse, s’y sente à l’aise, s’y sente plus forte.
Oui, j’ai manqué de cela trop longtemps, ce n’est pas venu à temps.
Le manque, l’envie, le besoin ont alors modifié la donne, devenant prégnants sur ma personnalité, sur mon allure physique même, où chaque femme je suppose est désormais capable de les percevoir et d’en avoir confirmation dans mes regards.
Je vous le garantis, les femmes n’aiment pas voir cela…
Alors on s’enfonce, on s’abîme; on abandonne.
La sexualité essaye au mieux de s’inventer de nouveaux jeux solitaires, s’aide de soutiens d’érotomane (magazines, vidéos)…
Presque tout est triste; même si l’on peut le nier et tenter d’y trouver des avantages, tout reste tout de même triste.
Les femmes ne se rendent pas compte de l’importance qu’elles peuvent avoir sur la vie des hommes. Il faut (faudrait) comprendre à quel point elles peuvent changer la vie des hommes, en les aimant, et en ne les aimant pas, en ne leur donnant pas de l’amour.
Elles ont eu une importance énorme dans ma vie, en ne me connaissant pas, en me délaissant, en se désintéressant de moi. Ce sont aussi elles qui ont ainsi fait l’être que je suis faible, névrosé, sans confiance en lui…
On peut sans doute “tomber” amoureux; moi j’ai en tout cas toujours eu l’impression de tomber de ne pas l’être…
Dois-je leur en vouloir? Non. Elles sont libres de ne pas m’aimer.
Je ne crois pas que ce soit de leur faute, ni de la mienne. Non, juste une malheureuse incompatibilité. Peut-être existera-t-il un jour un temps où cette incompatibilité ne sera plus de mise, un temps où les femmes adoreront les types comme moi…
Je crois que ça s’est joué à pas grand chose, mon état, ma misère affective et sexuelle; qu’il fut un temps où tout était possible mais où rien n’est vraiment arrivé. Puis qu’il fut trop tard.
Je suis sûr qu’il y a des femmes formidables; j’en ai d’ailleurs rencontré parfois je crois, alors qu’elles en aimaient un autre, ou que je n’étais déjà plus en état pour quoi que ce soit… (comme cette dernière femme, arrivée par surprise, révélatrice de la mort de mon sexe, et qui semblait être quelqu’un de très très bien).
Oui, ce ne fut peut-être, en réalité, qu’une question de malchance.
J’étais un type spécial, il fallait s’en apercevoir, y voir ce qui pouvait être intéressant, tester…
Il faut bien comprendre que les femmes n’ont rien contre moi; elles peuvent même me trouver drôle, penser que j’ai du charme… et certaines autres choses encore. Je ne suis pas spécialement laid, ou sale… Mais je ne fais pas partie de ces hommes que les femmes choisissent. Ce n’est pas une idée que je me suis mise en tête. Non, c’est un fait, observé de plus en plus froidement -haineusement pourtant parfois- au fil des années: oui, apparemment, je ne fais pas partie de ces hommes que les femmes choisissent.
Il y a une fragilité en moi, une insécurité, un manque, un besoin, désormais trop grands; qu’elles remarquent, ou sentent; et qui leur fait peur. Mon besoin d’amour est si visible qu’elles n’essaient jamais de l’approcher, de peur sans doute de ne pouvoir s’en échapper suffisamment facilement.
Il fut un temps où cela n’était pas trop important, un temps où j’ai d’ailleurs sûrement stupidement gâché et perdu l’amour qu’une jeune fille me donnait (ou bien ce fut elle qui gâcha et perdit?… ou bien nous deux?…: je ne sais pas, je n’ai jamais pu trancher), un temps donc où je pense que l’amour était possible. Puis, à force, sans succès, sans aventures, sans rien; cela n’a plus été possible. J’ai un jour passé une frontière -sans me rendre compte exactement du moment du passage- qui m’a rendu la relation amoureuse impossible, car trop désirée.
Ma grande chance fut de finir par le comprendre et de ne pas insister: de ne plus espérer. J’ai moins souffert ainsi. Enfin, je pense… En tout cas, ce fut différent.
J’ai arrêté de prendre soin de moi (délaisser un peu l’hygiène corporelle est d’une grande aide…), j’ai appris à ne plus regarder les femmes dans la rue, etc. Je me suis mis à me bâtir une vie où le désir était étouffé, nié. Ce fut difficile, mais je crois y être assez bien arrivé, doucement, lentement.
Maintenant, mon corps rejette mon sexe. Il pense peut-être que ce sera plus simple ainsi; cet organe emmerdait tout le monde. Il tente une sorte d’expérience: plus de pénis, plus de désir?
Mon corps lui aussi cherche une solution.
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Des plaques rouges sont apparues ce soir sur mon corps. Il s’est mis à prendre du relief. J’ai pensé à John Merrick, l’Eléphant Man; ça n’avait rien d’aussi impressionnant mais j’ai tout de même pensé à lui. Juste des plaques, plus ou moins grandes; un peu comme ferait de l’eau sur un sol plastique ou comme font des piqûres d’orties : des couches boursouflées. Elles étaient surtout concentrées sur les parties recouvertes de poils.
Ils se sont alors mis à tomber…
Je ne m’en suis pas rendu compte immédiatement, c’est lorsque j’ai bougé (j’étais sur mon lit) qu’ils se sont échappés de mon corps; ils n’étaient plus que posés dessus.
Je ne sais pas quoi faire. Le mieux est d’essayer de dormir; pour attendre demain matin; et voir ce que mon corps me réserve.
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Je suis ressorti aujourd’hui, cela faisait trois jours que je restais enfermé. Je suis allé dans le parc près de chez moi.
J’aime ce parc, j’y passe énormément de temps, à réfléchir, à rêver. Parfois je crois que d’une façon ou d’une autre, à la fin, à la mort, on se construit son propre paradis -nous sommes sûrement parmi les mieux placés pour savoir comment doit être “notre” paradis- et que si cela arrive, ce parc en fera certainement partie. Ce parc est mon ami, mon repos, il m’aide à vivre.
Il y a beaucoup de monde quand il fait beau, le reste du temps je n’y croise que quelques personnes -souvent les mêmes, beaucoup promenant des chiens-, des compagnons de ce parc comme moi, à qui je ne parle jamais. Nous préférons tous le silence, je pense.
Aujourd’hui était un jour plutôt gris, un jour calme donc dans le parc. J’ai marché pendant des heures. Mes jambes sans poils me rendaient la chose curieuse en ne me procurant pas l’habituelle sensation tactile en frottant l’intérieur de mon pantalon. Mais ce n’était pas désagréable.
Je sens mon entrejambe différemment également, évidemment. Au début, j’étais un peu gêné, mais je dois avouer trouver cela plutôt confortable maintenant. Ce serait assez difficile à décrire… disons que, même s’il ne s’en rend pas vraiment compte, l’homme sent toujours plus ou moins son sexe entre ses jambes, il est là, pendant ou soutenu, c’est une sensation à laquelle il est habitué et qu’il ne remarque pas. Eh bien, c’est tout simplement cette sensation qui a disparu. C’est ce qui fait la différence.
Le sentiment qui domine en moi est le désintérêt. Ma vie a été si pénible, si inintéressante depuis bien longtemps, que cela m’indiffère. Je ne veux d’ailleurs toujours pas retourner chez le médecin, je l’ai décidé -et cette fois-ci plus personne n’est là pour m’y pousser- je n’irai qu’en cas de douleurs physiques très fortes, et je ne rencontre pour l’instant rien qui y ressemble.
Ma plaie ne me fait pas mal. Je la sens, mais je n’ai pas mal. Elle suinte un peu parfois. Il reste un trou que je nettoie régulièrement à l’eau savonneuse (trois fois par jour), et le soir je passe un lait très doux pour bébés. Je fais ça très délicatement, la plaie reste tout de même à vif et elle est très sensible au toucher.
Mes nuits ont été calmes; si je fais des rêves je ne m’en souviens jamais. Je me réveille pourtant parfois en pleine nuit, dans le doute, ne sachant pas si ma situation est un rêve; et de m’apercevoir alors -d’une manière “psychiquement tactile” puis de ma main- que tout ça est bien vrai et que l’étrangeté continue. Il m’arrive encore exactement la même chose au matin où la lumière du jour me permet alors d’obtenir, lorsque je la cherche, une vue précise de ma condition.
Après le parc je suis passé au supermarché faire quelques courses, j’avais besoin de ravitaillement -surtout au cas où il me prendrait l’envie de rester de nouveau enfermé quelques jours. Je ne sais pas si ce n’est pas juste un tour de mon imagination, imagination connaissant mes transformations physiques, mais dans ce magasin j’ai eu plusieurs fois l’impression que l’on me regardait bizarrement. A y réfléchir à nouveau, il se peut bien que ce soit mes propres regards, redoutant des réactions, qui appelaient ces troubles en retour (si troubles il y avait réellement), que je les éveillais en les cherchant sur leurs visages, en les craignant, mais qu’au départ absolument rien était inhabituel chez ces gens.
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Pendant quelques jours ma plaie m’a fait un peu mal : ça travaillait. Puis cela s’est arrêté jusqu’à la nuit dernière où j’ai à nouveau senti la douleur. Finalement ce matin, comme je m’y attendais, comme j’en avais le pressentiment, je me suis aperçu que j’étais désormais pourvu d’un sexe féminin… Je l’ai à peine regardé, je n’ai pas voulu le toucher, il m’effraie un peu, il me dégoûte un peu. Je me suis vite habillé et suis sorti faire un tour au parc. Il va me falloir du temps je pense pour m’y habituer.
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Devrais-je désormais me considérer comme femme?
Pourrai-je désormais me considérer comme femme ?
J’ai toujours eu des traits assez fins. Des chevilles et des poignets très fins eux-aussi. Des mains que l’on pourrait qualifier d’androgynes, peu de poils, une surprenante incapacité à prendre vraiment du muscle (muscles qui sont d’ailleurs très en longueur): mais de là à pouvoir maintenant me considérer comme femme…
Mes souvenirs ne sont que ceux d’un homme… et je n’ai eu que des relations hétérosexuelles…
Depuis hier mes seins me font mal. Mes seins? Oui, mes seins…
Dans mon adolescence, il s’est passé quelque chose de très curieux, et qui m’a beaucoup travaillé. Je ne me rappelle pas exactement à quel âge ça a commencé. Je devais logiquement avoir un peu plus d’une dizaine d’années. Je me souviens de deux petites boules sur ma poitrine qui me démangeaient et que je tentais de faire disparaître en les écrasant. Je les prenais entre mon pouce et mon index et, tel que l’on pourrait faire avec deux petites boules de chewing-gum déjà durcies, je malaxais.
Mais malgré tous mes efforts je n’arrivais pas à les faire disparaître; et elles continuaient à grossir. J’en ai alors certainement parlé à ma mère puisque je me souviens m’être retrouvé chez un médecin pour lui montrer ce qui se passait.
Il m’a dit que cela était normal: que ça arrivait aussi aux garçons, parfois, à la puberté; et que ça allait passer.
Mais cela n’est pas passé.
Et je me suis mis à cacher le problème à tout le monde; j’en avais honte.
Mes seins, comme il faut bien les appeler bien qu’ils ressemblent plus à une anomalie qu’à une petite poitrine féminine, ont beaucoup marqué ma vie, mon adolescence; et ont surtout perturbé mon entrée dans la sexualité. Les quelques filles, femmes, qui ont traversé mon lit ont été les seules à savoir (mis à part la toute première à qui je n’ai pas laissé la possibilité de me déshabiller), et cela n’a jamais été facile. Pour toute autre personne, je m’arrange pour masquer, pour cacher; je suis toujours vêtu d’un pull-over, d’un sweat-shirt ou d’un débardeur, même lorsqu’il fait chaud. Je me suis proscrit chemises et tee-shirts.
Depuis hier donc, mes seins, ma vilaine petite poitrine, mon anomalie, me fait mal. Tout va très vite, ils se mettent à repousser afin de me pourvoir de tous les attributs féminins. Dans quelques jours je suis sûr qu’ils seront tout à fait acceptables et que j’aurai alors un complet corps de femme.
Je dois avouer que cela, cette histoire, m’inquiète désormais; que petit à petit mon indifférence s’est effritée et a disparu. Comment vais-je vivre désormais? ? Comment va être ma vie? ?
Tout semble contre moi -ou en faveur de mon nouveau moi (du nouvel être que je semble être)- ma barbe, qui n’a jamais été bien conséquente, semble avoir arrêter de pousser…
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Je crois que la nouvelle croissance de mes seins est terminée, ils semblent s’être stabilisés. Ils ne sont pas très gros (tant mieux, cela aurait vraiment été très très troublant…), et je les trouve plutôt jolis. Je ne suis pas sorti pendant tout ce temps, j’étais très gêné et trop troublé par ce qui m’arrivait.
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