Je passais mon temps à marcher dans la ville, et lire dans les bibliothèques. Je suis un jour tombé sur la Swedenborg Society dont je ne connaissais pas l’existence et ai conversé avec le conservateur qui m’a gentiment laissé ouvrir quelques originaux. J’étais souvent autour de Soho Square car il y avait là le temple Radha-Krishna, l’entrée est libre et je m’y suis tout de suite senti très à l’aise. Comment m’y suis-je retrouvé ? Hasard dirons-nous, bien que cela représentait sans aucun doute possible la continuité de mon parcours, car à tous ceux qui me le demandaient, je me qualifiais d’hindouiste et non de bouddhiste. Pour les hindouistes et le mouvement Hare Krishna dont le temple fait partie, Bouddha est à l’instar de Krishna et Rama une incarnation du dieu Vishnu : Rama la septième, Krishna la huitième et Bouddha la neuvième. Une dixième du nom de Kalki étant attendue. Bien que pour le mouvement, Krishna ait été Bouddha, et également Lord Chaitanya, the golden avatar : Krishna lui-même donc, revenu en Inde il y a environ 500 ans et dont le mouvement représente la succession.
Je trouvais en Krishna à la fois un modèle et un Dieu. Parfois en méditation je le pensais, récompense suprême, venir en moi. Comme je croyais pouvoir être Bouddha, je me suis demandé si je ne pouvais donc pas être une incarnation de Krishna lui-même, revenu une nouvelle fois du fond des temps. Je n’ai aucun souvenir d’une incarnation passée, mais les représentations de Chaitanya m’ont toujours semblé familières, j’avais l’impression de me souvenir de lui, comme un très vieux souvenir, de plus je m’étais qualifié de bouddha bleu et Krishna est toujours représenté bleu. Tout ceci peut sembler de la folie furieuse mais reste pourtant des questions qui suivent la logique de mes questionnements. J’étais à la recherche de la vérité, et humblement, bien que cela ne le paraisse sans doute pas, à la recherche de ma destinée. J’aimais croiser Kishor au temple, un bhakta je suppose, en tenue traditionnelle, il répondait à mes questions avec justesse, fraternité et humilité. J’étais un visiteur, comme d’autres, venants là pour se recueillir ou participer à des classes ou processions chantantes. Je consultais la Bhagavad-Gita et assistais parfois à des lectures de celle-ci. A la fin de l’une d’elle Archita est venue à moi et nous sommes devenus amis. Archita venait d’Inde, elle était à Londres depuis peu pour étudier l’informatique, mariée, son mari étudiait lui en Australie. Elle travaillait dans un Burger King à deux pas du temple et lorsque je passais la voir, elle me donnait ainsi à manger avant de nous rendre ensemble au temple. Nous avions une relation maître-disciple, sans doute parce que j’étais de plus de dix ans son aîné, nous étions amis aussi bien sûr, mais j’avais une influence sur elle par mon obstination à lui faire comprendre à quelle point elle succombait ici au matérialisme ambiant, je recadrais les choses et trouvait pour elle des voies afin de préserver sa spiritualité. Elle me racontait l’Inde, et Krishna. Depuis toujours elle vivait dans la conscience de Krishna, c’était son unique religion, je lui expliquais parfois l’histoire du Christ qu’elle ne connaissait pas et nous sommes même rentrés un jour ensemble dans une église catholique. Elle prenait soin de moi comme on prend soin d’un aîné ou d’un frère, m’achetant des cartes de transport afin que je puisse circuler plus facilement et me donnant aussi des couvertures lorsque le squat de Depford fut détruit et que je dormais souvent dans les parcs. Oui quand le squat fut détruit j’ai dû dormir assez souvent dehors, la plupart du temps dans Burgess Park où je m’installais la nuit tombée et dormais comme un bébé. Le matin des chiens en promenade venaient me réveiller en me faisant frénétiquement la fête, un jour pourtant c’est une anglaise qui a voulu me faire comprendre que je gênais en posant une lourde pierre sur moi. Je passai aussi quelques jours sur un bateau avec un type un peu louche qui finit par m’agresser. Je me souviens aussi d’une nuit passée dans un vieux cimetière et du feu que j’y avais fait pour me réchauffer. Quant il faisait plus froid ou pleuvait j’avais trouvé un hall d’immeuble qui était chauffé, je posais quelques journaux au sol et m’y reposais sans problème. J’étais heureux, je n’ai jamais été aussi heureux je pense, je n’avais rien, mais j’avais la foi, voire la certitude. Souvent je croisais des renards, il y a des renards à Londres, une fois toute une famille avec les petits. Les renards traînent dans certains quartiers la nuit, ils fuient devant l’homme, pourtant, une fois que j’avais cette fois-ci dormi sur l’Isle of dogs, une sorte d’île près de Greenwich où l’on trouve une ferme avec des animaux de toutes sortes, c’est un renard qui m’a réveillé en essayant de me croquer le bout du pied, rien d’une attaque, une curiosité je pense. J’ai aussi rencontré Antonin à cette époque, un français. Je me souviens un soir chez lui lui avoir raconté être parfois bouddha et parfois Krishna, et de promenades où je lui parlais de Swedenborg. « J’ai été bien plus qu’un témoin, je t’ai cru et je te crois toujours d’ailleurs…. » me dit-il aujourd’hui encore…
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