Je suis sorti du service fermé sans que la situation ne se soit améliorée. Sur proposition de mon père il a été décidé que je parte en vacances avec eux. Mes parents avaient loué une caravane je ne sais où. Je suis sorti et je les ai suivis, ma soeur aussi était de l’aventure. Je me rappelle vaguement tout cela, je restais presque tout le temps au lit et lisais un peu. J’ai lu deux courts romans de Nina Berberova.
Mais je serais incapable de vous dire où nous étions. Les gouttes s’étaient transformées en cachets et j’en prenais de très nombreux. Au retour j’ai emménagé dans un service ouvert de la clinique, même bâtiment mais au-dessus.
Ça repartait à l’identique, le lit et toujours le lit, puis j’ai été mis assez vite sous perfusion d’anaphranyl, et le soir j’allais vers les autres.
Nous étions vingt cinq je crois, vingt cinq chambres sur un étage. Je me souviens bien d’eux et je pense à eux souvent. Jérôme, Zoé, Corinne, Antoine, Isabelle V. et Isabelle L. , Philippe, Patrick, Céline, Marie Aurélie, Stéphane, Claire, Nathalia etc. etc. Ils vivaient avec moi.
Il y avait aussi tous ceux des autres pavillons dont Aurélia, Jean-Yves et de nombreux autres. J’aime à les citer, je les aimais. Je dirais qu’en tout une centaine de jeunes vivaient ainsi, protégés, sous médicaments, loin de leur famille et bien souvent loin de beaucoup de choses. Les histoires étaient diverses, beaucoup avaient fait des tentatives de suicides. Nous en parlions, en principe, nous savions. Ils étaient plus fragiles, plus sensibles, je pense qu’ils étaient meilleurs.
J’ai réappris à vivre et cela était grâce à eux, le psy n’avait aucune utilité et je ne l’aimais pas.
J’allais mieux et pourtant j’étais allé acheter une arme à grenaille. Je la gardais dans ma chambre pour pouvoir en finir au cas où l’enfer revienne. Ils ont fini par la trouver et j’ai été envoyé à l’HP.
Vous savez quel est le problème avec vous Monsieur Jobsquare? me demanda le psychiatre lors de notre dernier entretien: c’est que vous voulez être plus fort que la mort.
Pourquoi? Lui non?
Je trouvais sa réflexion idiote.