Je suis une nouvelle fois confronté à la difficulté de raconter une phase mélancolique. Disons que c’est comme si l’on vous torturait sans fin, emportant votre corps, toutes vos sensations légères en échange d’autres insupportables. Est-ce le corps qui emporte la psyché ou la psyché qui emporte le corps ? Les deux en fait, en permanence. Vivre devient insupportable, tout s’écroule. Mourir semble la seule solution, les scénarios de suicide se succèdent. Et l’on est seul, seul avec cette souffrance inracontable, au-delà des mots. Manger est un exploit, se laver un autre qui passe à la trappe. Allongé, tout le temps allongé, faire le mort, la mélancolie c’est mourir et pourtant rester en vie. Ce qui est le plus effrayant est souvent de ne plus se sentir apte psychiquement à quoi que ce soit, dysfonctionnement du cerveau. Les traitements n’arrangent souvent rien avec leurs lots d’effets secondaires indésirables, crises d’angoisse, impatiences, nausées. Il semble que l’on ne pourra jamais en sortir, étant si bas remonter semble absolument hors de possibilité. C’est une souffrance que l’on ne peut imaginer sans l’avoir expérimentée. Il est parfois difficile pour certains d’imaginer une dépression, chanceux qu’ils sont…, une mélancolie est une dépression à la puissance dix, un rouleau compresseur qui vous passe sur la tête et le corps. Ce qui s’écroulait cette fois-ci était multiple car Dieu me quittait. Je ne dirais pas qu’il n’existait plus, je dirais que lui aussi devenait alors impuissant face à une telle adversité. Du bouddha, de son bouddha, il ne restait plus rien, juste des souvenirs que personne ne voulait entendre. Ma famille m’a fait comprendre que j’étais allé trop loin et qu’il fallait me débrouiller seul. Au bout de quelques jours j’ai été une nouvelle fois transféré dans la clinique que j’avais quittée dix-huit mois plus tôt : rebelote.
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