C’était donc cela, j’étais donc sans doute moi aussi un homme-dieu. Voilà pourquoi je ressentais cela. Voilà pourquoi je mourrais parfois. Car je n’étais pas fait pour ce monde semblant mort de toute spiritualité, voilà pourquoi j’y sombrais. Enfin tout faisait sens. Un bouddha sans doute, en tout cas je sentais des présences, je me réincarnais, je retouchais parfois l’illumination. Depuis longtemps je m’étais intéressé à Swedenborg, par Borges surtout. A la fin de sa vie, devenu aveugle, Borges, l’homme aux mythes, tenait des conférences autour du monde, l’une d’elles était consacrée à Swedenborg. Swedenborg vivait sous Charles XII en Suède, c’était un homme accompli, éminent scientifique, une sorte de De Vinci nous dit Borges. Un jour il quitta tout afin de prêcher. Le Christ serait venu à lui pour lui demander de ré-expliquer, le message s’étant perdu. Swedenborg prétendait communiquer avec les anges, et donna des descriptions de l’enfer et du paradis. Il croyait en la présence d’anges et d’esprits sur terre.
Selon Swedenborg nous ne nous apercevions pas du moment de notre mort, la vie continuait comme précédemment, mais petit à petit nous rencontrions de nouveaux personnages, anges et démons, et suivions les uns ou les autres suivant notre nature, pénétrant ainsi au paradis ou en enfer, l’enfer et le paradis étant d’abord des états psychiques avant de devenir des lieux. Certains appellent Swedenborg le bouddha du Nord. Il y a effectivement du bodhisattva chez Swedenborg, le bodhisattva étant celui qui aide les autres à atteindre l’illumination. Je sentais la présence du divin comme une certitude. Ma vie m’apparaissait suivant d’autres logiques, les œuvres qui avaient traversé mon chemin notamment : Jung parle aussi de Swedenborg. Et puis cet étrange roman que j’avais écrit, un homme croyant être au contact de sa femme morte devenue ange et le guidant par signes et synchronicités. Ce pseudonyme Benjamin Gano qui s’était contracté en Bengano (anagramme involontaire !! d’Ange bon ). Ces expériences précédentes d’éveil et de passages. Tout cela ne pouvait pas être juste des coïncidences ou des imaginations. Non, il fallait croire. Oui tout semblait être comme des preuves. Pour moi il existait un espace psychique divin, notre inconscient était relié à un inconscient collectif ayant une histoire immortelle bien plus importante que la nôtre. J’ai réussi à récupérer une mini caméra dv et je me suis enregistré, il me fallait des preuves, je me souviens aussi avoir parlé de mes souffrances et d’avoir pleurer. Je savais qu’au moins ce document existerait. J’ai fait un sac, pris caméra, cassettes que je venais d’enregistrer, enregistreur vocal, divers vêtements et objets. Je ne savais pas ce qui m’attendait, mais j’allais avoir le courage de le vivre, la souffrance avait aussi préparé cela. Je n’avais plus peur de rien. Je suis reparti à Londres, je ne me souviens pas pourquoi. La vie était ailleurs en tout cas.
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